Construire collectivement une vision de la société

Nous avons rencontré Marina Carobbio Guscetti, Conseillère d’État (PS) du Canton du Tessin, directrice du Département de l’éducation, culture et sport (DECS), pour parler de la politique culturelle cantonale.

Qu’est-ce que la culture et quel est son rôle dans la société ?

La culture joue incontestablement un rôle fondamental dans la société, car, au-delà de la production et de la consommation artistique, elle assure aussi la confrontation, l’identité, la cohésion sociale, le renforcement de la démocratie et un certain lien avec le territoire. La culture nous permet de nous confronter à des questions et à des personnes, à d’autres formes de pensée et de langage. Elle nous aide, à travers l’expression artistique, le fait esthétique et l’échange d’idées, à construire collectivement une vision de la société et du monde dans lequel nous vivons.

Pensez-vous que la culture occupe une place suffisante dans la politique et le débat public ?

Non, elle n’est pas suffisamment reconnue. Le Tessin a une loi sur la promotion de la culture et un budget qui lui est consacré, même si ce dernier est modeste en comparaison avec d’autres domaines. Quand on pense au rôle de l’État, on ne pense presque jamais au secteur de la culture comme à une priorité ; pourtant, comme nous l’avons dit, elle joue un rôle décisif pour le pays et a aussi une valeur économique très importante.

Une étude réalisée il y a quelques années a révélé qu’au Tessin, chaque franc investi dans la culture produit un revenu induit de 2,50 frs. De nombreuses personnes travaillent directement dans la culture ou dans d’autres secteurs qui en tirent des bénéfices, comme le tourisme. Ce sont quelques raisons qui justifient que la culture doive être reconnue à sa juste valeur et renforcée.

Comme directrice du département qui en a la charge, que peut-on dire sur la politique culturelle du Tessin ?

Il existe une loi sur la culture, qui prévoit une commission cantonale consultative chargée d’évaluer les projets culturels proposés par des particuliers ou des associations et d’accorder des soutiens financiers. De plus, il y a des contributions aux grandes manifestations ou organisations, comme le Festival du film de Locarno, l’Orchestra della Svizzera italiana ou le Museo cantonale dell’Arte. Ces moyens proviennent en partie de fonds étatiques, en partie de la Loterie suisse, mais toujours sous la gestion du Département.

J’ai rencontré personnellement les actrices·eurs de tous les secteurs culturels (arts scéniques, cinéma, arts visuels, littérature, musique, patrimoine artistique, activités muséales, festivals, etc.), dans le but de comprendre quels sont les besoins, les problèmes et les demandes, en particulier de ceux qui y travaillent : non seulement dans les grandes activités plus « institutionnalisées », mais aussi dans la culture indépendante et les associations.

En début d’année, nous présenterons les lignes directrices de la politique culturelle de notre canton, des lignes directrices qui tiennent compte des exigences de la région.
Il s’agit de reconnaître le processus de création des travailleuses·eurs culturel·le·s et pas seulement la production et la mise à disposition finale des produits culturels. Il faut tenir compte d’un équilibre positif entre les nouvelles figures culturelles (les plus jeunes) et celles qui sont déjà actives depuis plusieurs années, ainsi que d’une répartition territoriale correcte.

Les conditions salariales et de travail, qui — comme nous l’avons vu pendant la pandémie — sont encore fragiles, doivent également être prises en compte. Il est dans nos intentions de rendre la sélection des nouvelles propositions et les critères utilisés à cette fin transparents, et de renforcer la prise de conscience dans toute la population du rôle central que joue la culture.

Comment comparer la politique culturelle du Tessin à ce qui se fait ailleurs en Suisse ?

Beaucoup de choses sont faites au Tessin, mais il faut renfoncer le débat public et politique sur le rôle de la culture. Avec le projet que j’ai mentionné précédemment, mon intention est de rendre ses différents secteurs visibles et plus forts.
Certains cantons ont déjà des lignes directrices en matière de politique culturelle, d’autres non. La pandémie a mis en évidence qu’un des secteurs les plus fragiles en période de crise est justement celui de la culture. Ses actrices·eurs ont souvent des salaires très bas et ont, surtout dans le secteur des indépendant·e·s ou des salarié·e·s des petites entreprises culturelles, des systèmes de sécurité sociale incomplets ou insuffisants, et pas seulement au Tessin. C’est pourquoi il s’agit de veiller à ce que certaines conditions salariales soient remplies. La question sera présente dans le nouveau message sur la culture au niveau fédéral et devra également être abordée au niveau cantonal.

Il y a des cantons qui ont déjà mis l’accent sur ces aspects depuis plusieurs années et où la culture est valorisée par la politique et reconnue dans toute son importance et sa complexité. Nous devons et voulons faire ce travail.

Intervista di Aida Demaria apparsa su Pages de gauche n°190, Hiver 2023-2024

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